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Elucubrations publiques
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20 mai 2007

Repentance

En lisant la presse, en écoutant les média, je constate peu d'enthousiasme pour l'anti-repentance que défend notre nouveau président, et au contraire des condamnations l'assimilant à une réécriture de l'histoire. J'entend des confusions parfois, en trouvant un contradiction entre la commémoration de l'abolition de l'esclavage et l'anti-repentance de la part de Nicolas Sarkozy.

Sur ce dernier point, il semble évident que commémorer l'abolition de l'esclavage, c'est commémorer un événement hautement positif de notre histoire et non pas une repentance sur l'esclavage.

Pourquoi, la repentance est dangereuse voire haïssable? Un peu de ressenti personnel;

Je ne suis ni un « français de souche » ni un juif, ni un arabe, ni un noir, mais juste un mélange, sans communauté à laquelle me raccrocher, je ne suis donc « que » français. Quand j'entends repentance de la France j'entends repentance des français, donc une repentance qu'on me demande à moi, personnellement. Pourtant, je n'ai jamais eu d'esclave, je n'ai déporté aucun juif, je n'ai colonisé personne. Quant à mes ancêtres que je ne connais pas, ils étaient sûrement bien trop modestes pour cela. Et n'étant ni juif, ni arabe, ni noir, ni descendant d'esclave ou de colonisé je ne peux me réfugier dans l'idée qu'étant victime je ne suis donc pas coupable.

Car, de fait, une grande partie des défenseurs de la repentance ne la réclame que pour les autres, car enfants d'esclaves, d'ex-colonisés, de juifs ils sont les victimes. Et c'est normal, quel juif français pourrait se repentir des crimes de Vichy? Comment imaginer leur demander cela? Pour les antillais la chose est encore plus complexe, ils sont souvent métis d'ancêtres esclavagistes et esclaves, voire même de violeurs esclavagistes, doivent-ils se repentir? Ils me semblent plutôt opter pour le statut de victime, et c'est bien naturel. Que penser d'ailleurs, des noirs africains, qui se réclament victimes de la traite des noirs, alors (à moins de venir du Liberia) il ne sont pas descendants des victimes, mais pourraient très bien l'être des coupables, la participation des noirs dans la traite des noirs étant clairement avérée.

On voit bien là que se pose un problème, cette question revient non plus à une repentance d'un peuple, mais à une séparation du peuple entre des victimes et des coupables. Et si le poids de la culpabilité vous pèse il ne vous reste plus qu'à trouver un crime innommable dont vous avez (par héritage) été victime. A défaut, il vous reste d'autres solutions, vous êtes communiste, vous n'allez pas vous repentir de Vichy, vous êtes socialiste? Vous vous en dispenserez tout autant. Vous n'en demanderez pas moins à la droite de le faire, qui elle vous demandera de vous repentir des goulags russes, ou tout du moins du soutiens du PCF à Moscou lors du printemps de Prague.

Revenons à mon cas, moi le sans origine, pas de refuge pour moi dans une victimisation salvatrice. Et pourtant, je me refuse à être coupable! Et pourtant je me sens français et j'en suis fier, et je veux revendiquer l'histoire de la France, celle qui est belle, celle qui me plait. Et là on pourrait me reprocher de faire le tri, de prendre l'héritage sans en assumer les dettes. Mais comment pourrait-on en accepter les dettes? Si je dois prendre la responsabilité de la colonisation et surtout des massacres qui ont eu lieu pour être fier de la grandeur de la France, si je dois prendre la responsabilité des guillotinés pour être fier des apports de la révolution française, autant le dire je refuse tout en bloc, ce n'est plus moi, je ne suis plus français. Quand le crime est absolu, comment peut-on le contrebalancer par des faits positifs? Alors oui je revendique de ne prendre que les parties positives de l'histoire de France, de choisir les évènements dont je me sens l'héritier et de refuser les autres. De la même façon qu'on peut être fier des grands auteurs de la littérature française et ignorer royalement les auteurs minables, probablement majoritaires, pourtant tout aussi français.

Qu'on ne se méprenne pas, il ne s'agit pas de réécrire l'histoire, de supplanter les historiens, mais de ne s'approprier que celle dont on est fier. Les commémorations ne sont pas les livres d'histoire, ce sont des liens à travers le temps. On commémore depuis des millénaires les victoires militaires sans une pensée pour les morts d'en face. Le principe de la commémoration est par essence, de ressortir les évènements consensuels de l'histoire, qu'ils soient tristes ou glorieux mais qui unissent le peuple. On fête la révolution française sans se repentir de la guillotine, ni demander repentance aux nobles d'aujourd'hui.

N'oublions pas, qu'en ces temps de grandes migrations et de diversité, être français est un acte d'adhésion intellectuelle, et pas un simple héritage par le sang. Quand à l'école on nous enseigne « nos ancêtres les gaulois » c'est important, et surtout pour ceux qui n'en n'ont pas d'ancêtres gaulois. Enseigner à un étranger ou à un fils d'étranger cela, c'est lui dire, que ses ancêtres sont désormais les gaulois, qu'il a été adopté par la nation, qu'il est désormais Français à part entière et pas de première ou deuxième génération. Pour qu'il puisse accepter cet héritage entièrement, ne le plombons pas de crimes contre l'humanité ou de massacres, nous ne récolterons que le communautarisme par repli victimaire ou refus de la culpabilité. On se retrouvera dans une concurrence des souffrances, et on ira chercher aux tréfonds de l'histoire d'autres crimes que l'on jugera sur les critères d'aujourd'hui. Créant ainsi des haines qui n'existaient peut-être même pas à l'époque.

En conclusion, il me paraît intéressant et peu surprenant que ce soit Nicolas Sarkozy, français d'origine hongroise, qui s'oppose aussi farouchement à la repentance. Il a adopté la France, il veut en être fier, mais au nom de quoi devrait-il s'excuser de crimes qu'il n'a pas commis, que ses ancêtres qui n'étaient pas français n'ont pas pu commettre.

Alors, une dernière fois, gardons le devoir de mémoire car il est des évènements qu'il est important de ne pas oublier, mais associons au devoir de mémoire celui de l'oubli, l'oubli des rancoeurs des haines des culpabilités. Oublions les dettes morales, et les revanches. Ne confondons pas l'Histoire de France celle des historiens, et l'histoire de la France, ce conte, cette épopée d'un pays, d'un peuple de ses idées de ses valeurs, qui fait que nous sommes fier d'être français.

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Commentaires
T
Excellent texte, dans lequel je suis sûr que la grande majorité de nos compatriotes - y compris d'origine étrangère -peuvent se retrouver.
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